La procédure de divorce en droit marocain


La promulgation de la loi 70.03 portant Code de la Famille, entrée en vigueur le 3 Février 2004, a constitué au Maroc un évènement historique de très grande envergure.

En effet, ce texte se voulant une révolution en matière de protection des droits de la famille, a tenu à confirmer le rôle fondamentale qu’occupe cette dernière dans l’édification d’une nation moderne et prospère.


Cet intérêt pour le développement et la stabilité de la famille marocaine est perceptible dès les premiers articles de ladite loi qui, d’emblée, définit le mariage comme un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable, entre un homme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque, la pureté et la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux.

Le lien de mariage jugé sacré aussi bien au regard de la religion que de la loi, il est naturel que le recours à sa dissolution ne devrait avoir lieu qu’exceptionnellement et en prenant en considération la règle du moindre mal, du fait que cette dissolution entraîne la dislocation de la famille et porte préjudice aux enfants.

Eu égard à l’importance que revêt le sujet du divorce en droit marocain, nous essayerons- sans prétendre le faire exhaustivement – de répondre aux questions les plus importantes.

“La période de viduité est la période que doit observer la femme divorcée ou veuve avant qu’elle puisse se remarier à nouveau.”


En cas de divorce, quels sont les droits accordés à la femme ?

Comme il a été précisé dans la première partie de notre sujet, la femme bénéficie de plusieurs droits en cas de jugement de divorce. Il s’agit en premier lieu du don de consolation (MOUT’A). Cette compensation est confiée à la libre appréciation du juge qui fixera son montant en prenant en considération la situation financière de l’époux, le degré de responsabilité de chacune des parties dans le divorce et la durée du mariage. Rappelons, toutefois, que la femme ne peut prétendre à ce droit si elle engage, à son initiative, la procédure de divorce judiciaire pour raison de discorde (Tatliq Chiqaq). Tout au plus, peut-elle réclamer des dommages- intérêts au cas où elle prouverait le préjudice physique ou moral.

A coté de la MOUT’A, la femme peut aussi bénéficier des frais de logement ainsi que de la pension alimentaire(NAFAQA) pendant la période de viduité (L’IDDA), et dont les montants sont librement fixés par le juge.

Qu’est ce qu’une période de viduité (IDDA) ?

La période de viduité est la période que doit observer la femme divorcée ou veuve avant qu’elle puisse se remarier à nouveau. Elle commence à compter de la date du divorce sous contrôle judiciaire, du divorce judiciaire, de la résiliation du mariage ou du décès de l’époux.

La période de viduité de la femme divorcée et enceinte prend fin à la délivrance ou à la suite d’une interruption de la grossesse. Celle par contre de la femme non enceinte est fixée comme suit :

- Trois périodes intermenstruelles complètes pour celle sujette au flux menstruel ;

- Trois mois pour celle qui n’a jamais été sujette au flux menstruel ou celle qui a atteint la ménopause. Si elle a ses menstrues avant la fin de la période de viduité, celle-ci est prolongée de trois périodes intermenstruelles ;

- Trois mois après une attente de neuf mois pour celle dont les menstrues sont tardives ou qui ne peut distinguer le flux menstruel d’un autre écoulement sanguin.

Toutefois, la femme divorcée avant la consommation du mariage et qui n’a pas eu de rapports légaux avec son conjoint n’est pas astreinte à la période de viduité, sauf en cas de décès de l’époux.

Par ailleurs, la veuve qui n’est pas enceinte doit observer une période de viduité de quatre mois et dix jours francs.

Comment est régi le droit de garde des enfants en cas de divorce (HADANA) ?

Avant d’aborder la question de la garde des enfants, force est de constater que l’esprit du nouveau code de la famille s’articule essentiellement autour de la préservation et l’épanouissement de la famille de façon générale en tant que noyau de la société, tout en accordant une attention particulière aux intérêts des enfants. Ce souci de protection des enfants est palpable à la lecture presque de tous les chapitres du code de la famille qui impose au juge de tenir préalablement compte de l’intérêt de l’enfant avant tout jugement.

Ceci dit, la loi met à la charge des parents plusieurs obligations aussi bien pendant la durée du mariage qu’en cas de divorce. Ainsi, l’article 163 du code de la famille dispose que la garde de l’enfant consiste à préserver celui-ci de ce qui pourrait lui être préjudiciable, à l’éduquer et à veiller à ses intérêts. La personne chargée de la garde doit, dans la mesure du possible, prendre toutes dispositions nécessaires à la préservation et à la sécurité, tant physique que morale, de l’enfant soumis à la garde, et veiller à ses intérêts en cas d’absence de son représentant légal et, en cas de nécessité, si les intérêts de l’enfant risquent d’être compromis.

Il s’ensuit que le droit de garde est une obligation qui incombe aux deux parents tant que le lien de mariage est préservé. Toutefois, En cas de divorce, il est confié en premier lieu à la mère, puis au père et puis à la grand-mère maternelle de l’enfant. A défaut, le tribunal décide, en fonction des présomptions dont il dispose, et toujours dans l’intérêt de l’enfant, d’attribuer la garde à l’un des proches parents les plus aptes à l’assumer. Le tribunal ordonne également que soit assuré un logement décent à l’enfant soumis à la garde, au même titre que les autres obligations découlant de la pension alimentaire.

La garde des enfants dure jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de la majorité légale fixé à dix huit années grégoriennes révolues, qu’il soit de sexe masculin ou féminin. En cas de rupture de la relation conjugale, l’enfant peut, à l’âge de quinze ans révolus, choisir lequel de son père ou de sa mère assumera sa garde.

“En cas de divorce,le droit de garde de l’enfant est confié en premier lieu à la mère, puis au père et puis à la grand-mère maternelle de l’enfant”

La femme qui se remarie, risque- t- elle de perdre son droit de garde ?

Le nouveau code de la famille a apporté des nouveautés très importantes en ce qui concerne le droit de garde des enfants en cas de divorce. L’objectif étant de préserver au mieux les intérêts de ces derniers en cas de rupture du lien de mariage et notamment, en cas de remariage de la mère bénéficiaire du droit de garde. C’est ainsi que la loi lui permet (contrairement à l’ancien code de statut personnel) de préserver son droit de garde dans des cas bien précis :

- Si l’enfant n’a pas dépassé l’âge de sept ans ou si sa séparation de sa mère lui cause un préjudice ;

- Si l’enfant soumis à la garde est atteint d’une maladie ou d’un handicap rendant sa garde difficile à assumer par une personne autre que sa mère ;

- Si le nouvel époux est un parent de l’enfant avec lequel il a un empêchement à mariage ou s’il est son représentant légal ;

- Si elle est la représentante légale de l’enfant.

Notons, à cet effet, que le mariage de la mère qui a la garde dispense le père des frais de logement de l’enfant et de la rémunération au titre de sa garde, mais il demeure, toutefois, redevable du versement de la pension alimentaire due à l’enfant.

La femme bénéficiaire du droit de garde, a- t- elle le droit de voyager avec l’enfant hors du Maroc ?

Bien que le code de la famille confie automatiquement le droit de garde des enfants à la mère en cas de divorce, elle n’en demeure pas moins soumise à plusieurs obligations envers le père, reconnu comme tuteur légal des enfants. Ainsi, elle se voit obligée de respecter les droits du père en lui permettant de rendre visite et recevoir son enfant et d’exercer tous ses droits en tant que père sous peine d’être déchue de ce droit le cas échéant.

Cela étant dit, il est interdit à la mère de voyager avec l’enfant hors du territoire national à moins que le père l’y autorise. En cas de refus de ce dernier, elle peut saisir le juge des référés qui, par ordonnance, lui autorise le voyage à condition de prouver le caractère temporaire du voyage et que le retour de l’enfant est garanti.

Hormis ce cas, il est interdit à la femme de s’installer avec l’enfant hors du territoire sous peine d’être déchu du droit de garde.

Par ailleurs, Le changement de résidence, à l’intérieur du Maroc, de la femme qui assume la garde de l’enfant n’entraîne pas la déchéance de la garde, sauf en cas de motifs avérés pour le tribunal, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, des conditions particulières du père et de la distance séparant l’enfant de son représentant légal.

Aussi, le droit de garde peut-il être révocable à n’importe quel moment par décision de justice, en cas de manquement de la mère, par exemple, à l’obligation de rectitude et d’honnêteté ou suite à un jugement la condamnant à des actes contraires aux bonnes mœurs, et, de façon générale, chaque fois que la santé physique ou morale de l’enfant sont menacées. Toujours est-il que la mère peut toujours renoncer à son droit de garde en faveur du père à la suite d’un commun accord.

“Le père doit pourvoir à l’entretien de ses enfants jusqu’à leur majorité ou jusqu’à vingt-cinq ans révolus pour ceux qui poursuivent leurs études”

Quid de la pension alimentaire des enfants en cas de divorce (NAFAQA) ?

Le père doit pourvoir à l’entretien de ses enfants jusqu’à leur majorité ou jusqu’à vingt-cinq ans révolus pour ceux qui poursuivent leurs études. Dans tous les cas, la fille ne perd son droit à l’entretien que si elle dispose de ressources propres ou lorsque son entretien incombe à son mari. Le père doit continuer à assurer l’entretien de ses enfants handicapés et incapables de se procurer des ressources. Cependant, Lorsque le père est, totalement ou partiellement, incapable de subvenir à l’entretien de ses enfants et que la mère est aisée, celle-ci doit assumer la pension alimentaire au prorata du montant que le père est dans l’incapacité d’assurer.

L’entretien comprend l’alimentation, l’habillement, les soins médicaux, l’instruction des enfants et tout ce qui est habituellement considéré comme indispensable. Pour l’évaluation des charges inhérentes aux besoins précités, il est tenu compte, par référence à une moyenne des revenus de la personne astreinte à la pension alimentaire et de la situation de celle qui y a droit, du coût de la vie, et des usages et coutumes dans le milieu social de la personne ayant droit à la pension alimentaire.

Le tribunal se fonde, pour l’estimation de la pension alimentaire, sur les déclarations des deux parties et sur les preuves qu’elles produisent. Le tribunal peut faire appel à des experts à cette fin.

Une autre nouveauté apportée par le code de la famille, c’est que dorénavant, les frais de logement de l’enfant soumis à la garde sont distincts de la pension alimentaire, de la rémunération due au titre de la garde et des autres frais. Le père doit assurer à ses enfants un logement ou s’acquitter du montant du loyer dudit logement tel qu’estimé par le tribunal. A noter, dans ce même ordre d’idées, que le père est tenu de maintenir le même niveau de vie que menait l’enfant avant le divorce.

Par ailleurs, et dans l’objectif de garantir une bonne application des dispositions sur l’entretien des enfants de façon générale, les dispositions relatives à l’abandon de famille sont applicables à toute personne à qui incombe l’entretien des enfants et qui cesse de l’assurer, sans motifs valables, pendant une durée d’un mois au maximum.

Source: Maitre Saad Belkasmi www.marance.info